Bien que cinglant, le rapport de la vérificatrice générale du Canada concernant le processus de passation de marchés en lien avec l’application ArriveCAN, déposé en février 2024, est peu surprenant pour quiconque connaît la gestion de l’Agence des services frontaliers du Canada.
Bien que le rapport se concentre principalement sur les aspects touchant le côté contractuel et le développement de l’application, une grande partie des conclusions du bureau de la vérificatrice générale trouveront certainement écho auprès des membres du SDI qui ne connaissent que trop bien les pratiques de l’Agence en matière de relations de travail, qui se situent au plus bas de l’échelle.
Dans son allocution d’ouverture au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, la vérificatrice générale a souligné le « non-respect flagrant des pratiques de gestion élémentaires » découvert au cours de l’audit.
Comme nos membres le savent, ce mépris des saines procédures de gestion est profondément ancré au sein de l’Agence, souvent sans grande conséquence pour les gestionnaires. Qu’il s’agisse du manque profond d’imputabilité que l’on constate à tous les niveaux de la gestion, de la tendance à exercer des représailles à l’encontre d’employés qui soulignent des problèmes, ou encore des processus internes d’enquête et de discipline mal gérés et arbitraires, le bilan de la direction de l’ASFC est tristement éloquent. Alors qu’elle n’hésite pas à punir ses employés subalternes à la moindre allégation, l’Agence est reconnue pour fermer les yeux sur des manquements bien plus graves au sein de la gestion.
Il n’est donc pas surprenant que la procédure de passation de marchés qui a conduit à la création d’ArriveCAN de l’Agence soit truffée de lacunes. Il ne faut pas s’étonner non plus que le produit qui en résulte soit de piètre valeur pour les Canadiennes et les Canadiens. Il est important de souligner que cette faible valeur va bien au-delà du simple aspect économique. ArriveCAN, dans sa forme actuelle, compromet activement la sécurité de la population canadienne en éliminant des interactions cruciales entre les agents et les voyageurs. C’est la pierre d’assise de la stratégie de modernisation de la frontière de l’ASFC, qui est entièrement axée sur la facilitation sans souci pour la sécurité de nos communautés.
Alors que d’importantes questions de sécurité sont au premier plan des discussions nationales — exportations de voitures volées, contrebande d’armes à feu, crise des opioïdes — il est particulièrement exaspérant de voir l’Agence gaspiller ainsi près de 60 millions de dollars pour une application qui, en fin de compte, ne sert pas à grand-chose. Il est irresponsable de la part de la gestion de l’Agence et du gouvernement fédéral d’injecter de tels fonds dans un projet comme celui-ci au lieu d’embaucher du personnel supplémentaire ou de chercher à améliorer l’infrastructure existante, ce qui apporterait une réelle valeur ajoutée à la population canadienne.
C’est sans parler de la décision de l’Agence de dépenser des dizaines de millions de dollars dans le secteur privé au lieu de choisir d’investir dans ses travailleuses et travailleurs et de renforcer leur capacité à agir au nom des Canadiennes et des Canadiens. À l’heure où nos membres se font offrir des miettes par l’employeur à la table de négociations, cette décision n’est rien de moins qu’une gifle.
Les membres du SDI sont fiers du travail qu’ils accomplissent au service de la population canadienne et de leur rôle en tant que première ligne de défense du Canada. Pourtant, de par ses actions, la gestion de l’ASFC continue de jeter une ombre sur l’ensemble de l’organisation. Le rapport de la vérificatrice générale met en lumière ce que beaucoup de nos membres savent depuis longtemps, et nous demandons à la présidente de l’ASFC, Erin O’Gorman, de saisir cette occasion et de prendre les mesures nécessaires afin que les débâcles de ce genre ne soient plus la norme à l’Agence.[:]