Repenser l’efficacité de la surveillance des frontières

Le président national du SDI, Mark Weber, a envoyé la lettre suivante au ministre de la Sécurité  publique, David McGuinty, le 7 mars 2025.


Monsieur le Ministre,

Au cours des derniers mois, la question de la sécurité aux frontières a été au premier plan du discours public, et ce, pour de bonnes raisons. L’érosion rapide des relations entre le Canada et les États-Unis démontre trop clairement la nécessité pour le Canada de repenser son approche de l’application de la loi aux frontières. Nous partageons la plus longue frontière non défendue du monde avec un pays qui a fait savoir que le partenariat d’antan ne devait plus être tenu pour acquis. Le moment est venu d’innover pour faire en sorte que notre pays soit équipé pour agir contre les menaces émergentes et existantes — y compris le flux considérable d’armes à feu dangereuses en provenance des États-Unis.

Le récent plan frontalier fédéral dénote que les pressions frontalières sont bien prises en compte par votre gouvernement, mais il est possible de faire davantage. Lors de notre dernière rencontre en janvier de cette année, j’ai souligné l’importance d’explorer d’autres pistes d’action pour renforcer la capacité du Canada à protéger nos collectivités. Il serait notamment dans l’intérêt primordial de l’infrastructure frontalière fédérale d’élargir le rôle des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada pour leur permettre d’agir entre les points d’entrée — en collaboration avec les agents de la Gendarmerie royale du Canada — et de renforcer la capacité de formation de l’ASFC en ouvrant de nouvelles installations pour ajouter à l’actuel collège de l’ASFC à Rigaud.

Cela garantirait des niveaux de dotation durables à long terme et permettrait aux agents de l’ASFC, déjà présents à la frontière et formés à l’application de la législation frontalière pertinente, comme la Loi sur les douanes et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), d’agir conjointement avec la GRC sur toute l’étendue de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Les Canadiens ne peuvent que tirer profit de ce partage d’expertise entre les deux principales agences fédérales chargées de l’application de la loi.

J’ai donc été déçu de voir la Fédération nationale de la police (FNP), qui représente les agents de la GRC, publier sa récente prise de position s’opposant fermement à toute considération d’élargissement du mandat des agents de l’ASFC. Cela va à l’encontre de l’esprit de collaboration que les agences fédérales canadiennes chargées de l’application de la loi devraient poursuivre. En effet, c’est dans ce même esprit que, lorsqu’il plaide pour un élargissement du rôle du personnel frontalier entre les points d’entrée, le Syndicat des Douanes et de l’Immigration a toujours précisé que cela devait se faire en collaboration avec les agents de la GRC.

Plutôt que de m’engager dans un débat public infructueux dans les médias en réponse aux assertions de la FNP, je vous écris aujourd’hui pour réitérer l’importance pour votre gouvernement de permettre aux agents de l’ASFC d’exercer pleinement leurs fonctions aux points d’entrée et entre ceux-ci et, à la lumière de l’évolution constante du paysage frontalier, d’investir davantage dans l’ASFC.

En effet, deux des principaux partis politiques fédéraux reconnaissent déjà la nécessité d’une plus grande confiance envers les agents de l’ASFC : le Nouveau parti démocratique et le Parti conservateur du Canada se sont tous deux engagés à embaucher des milliers d’agents frontaliers supplémentaires et à étendre leur rôle à l’ensemble de la frontière. Allant plus loin, le NPD s’est également engagé à construire un nouveau centre de formation de l’ASFC. Cela témoigne d’un véritable engagement à établir un plan durable et à long terme pour notre frontière. Nous espérons que votre gouvernement comprendra lui aussi la sagesse de cette ligne de conduite.

De fait, l’ASFC est particulièrement bien placée pour contribuer à renforcer l’infrastructure de protection des frontières du Canada, en grande partie grâce à la formation complète et spécialisée que reçoivent les agents frontaliers, et qui est entièrement axée sur la Loi sur les douanes, la LIPR et la protection des frontières. Si la formation initiale de l’ASFC est un peu plus courte que celle de la GRC, c’est tout simplement parce que les agents de l’ASFC n’ont pas besoin d’appliquer les lois provinciales dont la GRC a la charge, et qui ne relève pas du mandat frontalier.

En adoptant le projet de loi C-20, votre gouvernement a également réglementé son désir de voir la GRC et l’ASFC bénéficier de la même surveillance civile, par le biais d’un seul organisme responsable des deux agences.

En fin de compte, la protection des frontières entre les points d’entrée ne faisait pas partie du mandat de la GRC jusqu’en 1932, lorsque le gouvernement fédéral a transféré la responsabilité de ce qui allait devenir l’ASFC à la GRC. Outre l’abrogation de ce décret vieux de près d’un siècle, le fait de permettre aux agents de l’ASFC d’agir entre les points d’entrée ne nécessiterait que peu ou pas de modifications législatives, car l’application de la loi par l’ASFC relève directement du droit fédéral — la Loi sur les douanes et la LIPR contiennent déjà des dispositions autorisant les actions à l’extérieur des points d’entrée.

La position du SDI reste claire. Ne pas inclure le personnel de l’ASFC dans la solution du Canada pour sécuriser notre frontière entre les points d’entrée serait de rater une occasion de tirer profit de l’expertise unique et spécialisée des agents frontaliers de première ligne déjà présents à la frontière. Dans cette optique, la résolution adéquate des problèmes frontaliers actuels repose sur trois points essentiels :

  • Développer la capacité de formation de l’Agence des services frontaliers du Canada;
  • Augmenter le nombre d’agents frontaliers déployés à la frontière; et
  • Permettre aux agents frontaliers de remplir leur mandat aux points d’entrée et entre ceux-ci, aux côtés de la GRC.

Vous et moi devons nous rencontrer prochainement pour discuter d’importantes préoccupations concernant les frontières, et je me réjouis de pouvoir examiner plus en détail avec vous les questions exposées dans la présente lettre.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Le président national

Mark Weber

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