Le président national du SDI, Mark Weber, a envoyé la lettre suivante à l’honorable Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique, le 5 mai 2023.
(La version anglaise de cette lettre a été envoyée au Ministre)
Monsieur le Ministre,
En mai 2021, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et le Syndicat des Douanes et de l’Immigration (SDI), en collaboration avec votre prédécesseur, l’honorable Bill Blair, ont publié une déclaration conjointe réitérant leur engagement à éliminer le racisme systémique au sein de l’Agence. L’ASFC et le SDI ont ainsi convenu de la nécessité de s’attaquer conjointement aux problèmes systémiques à l’aide d’une série d’initiatives et de ressources, dont la formation de lutte contre le racisme conçue à l’intention de tous les employés et employées de l’ASFC :
[…] le ministre de la Sécurité publique, le président de l’ASFC, et le SDI ont convenu qu’une formation de lutte contre le racisme devrait être élaborée pour tous les employés de l’ASFC. L’exécutif national du SDI a désigné un groupe de membres dévoués qui travailleront avec l’équipe des RH de l’ASFC et le groupe de travail de lutte contre le racisme pour concevoir cette formation, ainsi qu’une formation à la désescalade pour les agents de première ligne. Ces efforts visent à favoriser une interaction positive et respectueuse entre les employés de l’ASFC et avec la clientèle diversifiée qu’ils servent dans les installations et les points d’entrée de tout le pays.
Selon l’entente initiale conclue entre le président national du SDI de l’époque Jean-Pierre Fortin et l’ancien ministre de la Sécurité publique Bill Blair, la formation devait être conçue par un groupe de travail conjoint ASFC-SDI et dispensée par des membres du personnel de l’Agence, pour la plupart des travailleurs et travailleuses racialisés, bien au fait des réalités du racisme systémique tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’ASFC. Cette formation devait également être dispensée en personne dans la plupart des lieux de travail.
Toutefois, en raison des restrictions liées à la COVID en vigueur au moment du lancement du programme, il a fallu se limiter à une formation virtuelle. Compte tenu de la gravité du sujet, cette façon de faire était loin d’être optimale, car la formation en personne favorise l’engagement entre animateurs et participants, ce qui permet des séances plus fructueuses. Les membres du personnel de l’ASFC qui suivent la formation peuvent être confrontés à des concepts ou des expériences personnelles parfois plus difficiles ou désagréables à traiter. Il n’est pas facile de discuter du racisme systémique et de la manière d’y remédier ; c’est même souvent dans ces moments difficiles que l’on peut progresser et grandir.
Un cadre entièrement virtuel est loin d’être aussi efficace, car les personnes participantes peuvent se désengager plus facilement et ne pas s’investir pleinement dans le processus — par exemple, en désactivant leur caméra. Évidemment, compte tenu des considérations associées à la COVID sur les plans de la santé et de la sécurité, nos formateurs et formatrices ont dû composer avec les limites des plateformes virtuelles, en attendant que les séances en personne soient possibles.
Il est frustrant de constater que depuis la fin des restrictions liées à la COVID, l’ASFC insiste pour que l’on continue d’offrir la formation dans un cadre exclusivement virtuel, sans tenir compte de l’expertise des personnes qui ont participé à la conception du programme. Bien sûr, la formation en personne ne se prête pas à tous les lieux de travail, mais il n’est pas logique de tenir des séances virtuelles dans les nombreux lieux de travail de l’ASFC où les membres du personnel sont présents sur place.
Pour aggraver encore plus le problème, l’ASFC a annoncé à la fin mars cette année qu’elle interrompait le programme de formation pour une durée indéterminée. Bien qu’aucune date ferme n’ait été mentionnée pour la reprise de la formation, il a été question de faire appel à des consultants de l’extérieur si celle-ci devait reprendre, même si l’Agence compte déjà dans ses rangs des personnes formées à cet effet — des travailleurs et des travailleuses qui, je le répète, comprennent mieux que quiconque la matière et la situation à l’Agence. Depuis lors, il n’y a eu aucune séance de formation, ce qui nous amène à nous interroger sur l’engagement de l’ASFC à l’égard du projet.
Le plus choquant est que l’Agence ait décidé de suspendre la formation sous sa forme actuelle, prétendant l’avoir fait pour le bien-être des formateurs et formatrices, alors qu’à aucun moment l’ASFC ne les a consultés pour s’assurer que tel était leur souhait, ou même que cela était nécessaire. En effet, les personnes qui dispensent le cours depuis sa création croient au programme qu’elles ont aidé à instaurer et n’ont aucun désir de le voir interrompu.
En réalité, au cours de la dernière année et demie, contrairement à ce qui s’était passé plus tôt dans le processus, il est devenu de plus en plus difficile de traiter avec les gestionnaires de l’ASFC chargés de la formation. La direction a clairement tenté de mettre à l’écart et d’ignorer les personnes représentantes du syndicat qui s’occupent du programme. La direction semble également ne pas bien comprendre l’essence de la formation et le but visé, faisant souvent montre des attitudes problématiques sur lesquelles porte justement la formation et ne soutenant pas les animateurs et animatrices devant des comportements racistes.
En fin de compte, il semblerait tout simplement que l’ASFC ne considère plus le SDI comme un partenaire à part entière dans l’éradication du racisme systémique au sein de l’Agence, malgré les efforts considérables déployés par les personnes représentantes du SDI pour instaurer le programme de formation au départ.
Si l’Agence a toujours à coeur de travailler avec le syndicat pour s’attaquer au racisme systémique dans les lieux de travail de l’ASFC, le SDI propose les mesures suivantes pour aider à remédier à la situation :
- La formation doit reprendre immédiatement et, dans la mesure du possible, être dispensée en personne.
- La formation doit être donnée par les animateurs et animatrices de l’Agence qui ont participé à l’instauration du programme, et par ceux et celles qui ont été depuis sélectionnés pour s’acquitter de cette tâche.
- Les gestionnaires supervisant le programme de formation doivent suivre le programme de formation et démontrer leur engagement à mettre en oeuvre ses recommandations. La participation de gestionnaires appartenant aux groupes racialisés peut aider à cet égard.
- La haute direction de l’ASFC, dont la présidente de l’ASFC, ainsi que les personnes représentantes du syndicat national, devraient participer à une séance de formation conjointe, pour témoigner de leur engagement envers cette initiative.
Votre gouvernement se dit très conscient de l’importance des initiatives de lutte contre le racisme, et je suis certain que vous conviendrez que le maintien de la collaboration entre le syndicat et l’Agence ne peut qu’aboutir à un résultat plus efficace face aux problèmes et barrières systémiques. Il n’est pas logique que l’ASFC mette de côté l’expertise de son propre personnel ou qu’elle refuse avec insistance qu’une formation aussi cruciale soit dispensée de la manière la plus optimale possible. De toute évidence, les problèmes soulevés ici commandent une intervention rapide et je suis impatient de travailler avec vous pour remédier à la situation.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération respectueuse,
Mark Weber
Président national
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