Le gouvernement fédéral a annoncé son nouveau plan frontalier, le 17 décembre 2024, avec pour but de renforcer la sécurité à la frontière Canada/États-Unis.
Bien que l’annonce de l’ex-ministre de la Sécurité publique Dominic LeBlanc et de ses collègues comprenne un certain nombre d’investissements et de mesures ayant un impact sur l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et son personnel — comme de nouvelles équipes canines, de la nouvelle technologie d’imagerie et de nouveaux outils, ainsi que des ressources humaines additionnelles — le plus remarquable demeure ce qui est absent du plan de 1,3 milliard de dollars : un élargissement significatif des fonctions des agents frontaliers qui leur permettrait d’agir tant aux points d’entrée qu’entre ceux-ci.
Dans les semaines qui ont précédé l’annonce, le Syndicat des Douanes et de l’Immigration (SDI) a écrit au ministre LeBlanc ainsi qu’aux premiers ministres provinciaux pour souligner la nécessité de repenser la façon dont le gouvernement fédéral utilise les milliers d’agents frontaliers qui sont déjà au service de la population canadienne aux postes frontaliers terrestres.
Les agents frontaliers connaissent bien le cadre législatif de la frontière. Rien dans la loi, à l’exception du désormais tristement célèbre décret de 1932, n’empêche les agents de l’ASFC de patrouiller entre les points d’entrée pour aider la GRC. En n’engageant pas davantage les agents frontaliers sur ce front, le gouvernement fédéral manque une rare occasion de moderniser l’infrastructure frontalière du Canada à un coût négligeable et d’une manière qui viendrait donner priorité à ce qui devrait être au centre de sa stratégie de sécurité frontalière : le recours à du personnel frontalier formé et spécialisé. Malheureusement, il semble plutôt prêt à se contenter de laisser les forces provinciales empiéter sur la sphère fédérale.
Un sixième pilier manquant
Ce nouveau plan frontalier propose cinq piliers, proposant de faire davantage pour endiguer le flux de fentanyl, de renforcer les outils et les ressources, d’améliorer la coordination ainsi que le partage d’informations entre les agences, et de réduire les pressions exercées sur les États-Unis. Il y a du bon là-dedans, même s’il est regrettable qu’il ait fallu des troubles politiques rarement vus au sud de la frontière pour que le gouvernement canadien choisisse de se pencher sur des enjeux frontaliers de longue date.
Cependant, malgré un engagement apparent à se doter de personnel supplémentaire — reste à voir combien, le ministre LeBlanc parlant de « 100-150 » au départ, ce qui est bien loin des plus de 2 000 agents nécessaires — il est aussi dommage que le gouvernement ait choisi de ne pas inclure la dotation de personnel comme sixième pilier distinct.
Nous l’avons déjà dit : une frontière dotée d’un personnel adéquat est une frontière sûre, et les investissements pour acheter des drones et des hélicoptères pour la GRC ne règlent pas tous les problèmes. La technologie doit soutenir, et non remplacer, les agents qui sont les mieux placés pour trouver et interdire les marchandises dangereuses et contrôler les mouvements frontaliers.
En ce qui concerne les questions de personnel, de nouvelles ressources destinées à renforcer la capacité de formation de l’ASFC sont également absentes de l’annonce, ce qui jette un doute sur la capacité du gouvernement à intensifier la formation de façon suffisante pour relever de nouveaux défis frontaliers. Nous savons que le seul collège de l’ASFC, à Rigaud, au Québec, a une capacité limitée. Nous avons désespérément besoin de nouvelles infrastructures de formation.
Du positif accompagné de questions
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de points positifs dans la récente annonce. Les nouvelles équipes canines et les nouveaux outils de détection améliorés peuvent certainement aider. Les dispositions visant à mettre fin aux « tours de poteau » contribueront également à libérer des ressources. Toutefois, des questions subsistent sur un certain nombre de points et sur leur mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les nouvelles exigences législatives obligeant les opérateurs à fournir à l’ASFC des installations pour effectuer des inspections à l’exportation.
Enfin, même si cela n’est pas surprenant, il est décevant que le gouvernement ait choisi une fois de plus de ne pas consulter le syndicat ou le personnel frontalier de première ligne — celles et ceux qui, chaque jour, agissent comme première ligne de défense du pays — lors de l’élaboration de son nouveau plan frontalier.
Il faut de nouvelles solutions
L’inclusion d’un libellé concernant la retraite anticipée pour le personnel de la sécurité publique dans le récent Énoncé économique de l’automne, qui ouvre la voie à de nouvelles dispositions pour nos membres et devrait aider l’Agence à conserver et à attirer du personnel, montre que ce gouvernement est disposé à explorer des voies novatrices qui soutiennent ses agents frontaliers et renforcent le rôle de l’ASFC en tant qu’agence importante dans le domaine de l’application de la loi.
Il est regrettable que cette attitude n’ait pas inspiré le nouveau plan frontalier, et nous continuerons à faire pression sur le gouvernement pour qu’il adopte des politiques frontalières saines qui s’appuient sur les travailleuses et travailleurs en premier lieu, dans l’intérêt de l’ensemble de la population canadienne. Garantir un nombre adéquat de personnel tout en s’appuyant sur l’expertise des agents frontaliers aux points d’entrée et entre ceux-ci est le type d’approche sensée qui devrait être la pierre angulaire de la sécurité frontalière canadienne.